Clément Tapsoba.
En ce 23 avril 2020, personne ne s'attendait à l'annonce de ton décès. Les uns après les autres, nous apprenions la nouvelle et nos épaules s'affaissaient. Nos regards partaient dans le vague. Nos idées s'assombrissaient.
Impossible de parler de cinéma au Burkina sans y associer ton nom ni celui d'Emmanuel SAMA, tant vous avez tous deux œuvré à le faire rayonner. Par vos écrits, par vos actions, par les structures que vous avez animées, aussi.
Diplômé de l'école de journalisme de l'Université Cheick Anta Diop de Dakar (Sénégal), tu t'es spécialisé dans l'écriture de scénario. De 1991 à 1999, tu as été le rédacteur en chef du magazine panafricain de cinéma et de télévision Ecrans d'Afrique/African Screen,s publié par le COE (Centre d'Orientation Educative) de Milan (Italie) aux côtés de tes consoeurs Alessandra Speciale et Anamaria Gallone mais aussi de Baba Diop, Férid Boughédir, Manthia Diawara et Michel Amarger - pour ne citer que ceux-là.
Fondateur de l'Association des critiques de cinéma du Burkina (ASCRIC-B) à Ouagadougou en 2003, tu participes à la création de la Fédération Panafricaine des Critiques de Cinéma (FACC) à Tunis l'année suivante et en devient le président de 2004 à 2009. Enseignant à l'ISMA de Cotonou (Bénin) et à l'ISIS de Ouagadougou, tu es auteur de nombreuses études et conférences sur les cinémas d'Afrique et collabore à plusieurs publications.
En 2010, tu poursuis le travail de transmission de l'ASCRIC-B à travers la Semaine de le critique cinématographique de Ouagadougou (SECRICO). Cinq ans plus tard, tu cèdes la présidence de l'association à ton benjamin Justin Ouoro, enseignant à l'Université de Ouagadougou.
Détaché auprès du Festival panafricain de cinéma et de la télévision de Ouagadougou (FESPACO), tu es par la suite devenu Directeur de la communication et des Programmes de la Fédération Panafricaine des cinéastes (FEPACI).
Ton tempérament fort et passionné en aura marqué plus d'un. Mais c'est ton amour du cinéma, surtout, qui a illuminé ta vie, ton œuvre et ta carrière.
De Ouagadougou à Milan en passant par Bamako, Dakar et Cotonou, personne ne s'attendait à un départ si soudain. Peut-être étais-tu pressé de rejoindre ton frère Sama, qui nous a lui aussi quitté en octobre 2019 ?
On vous imagine main dans la main, devant un grand écran (peut-être celui du Ciné Oubri) à parler des films que vous aimez, ceux qui pourraient être faits et ceux qui - bien sûr ! - n'étaient ni faits ni à faire. Tu aurais la tête penchée sur le côté et vous éclateriez de rire comme deux bons complices qui ont traversé de nombreuses épopées : Jean-Baptiste Ouédraogo, Thomas Sankara, Blaise Compaoré, Michel Kafando, Roch Christian Kaboré... Qu'importent les coups d'Etat, les assassinats, la rectification ou l'insurrection, vous avez parcouru les secousses de l'Histoire burkinabè avec une seule et même ambition : celle de défendre et promouvoir un cinéma fait par les Africains, pour les Africains. Et ce n'était pas vain.
Claire DIAO
ASCRIC-B
France/Burkina Faso