Après avoir triomphé au Durban International Film Festival (Afrique du Sud) en juillet 2019 puis été présenté dans la section Diaspora des Journées Cinématographiques de Carthage (Tunisie) en novembre dernier, Les Misérables de Ladj Ly - pré-sélectionné pour l'Oscar du meilleur film étranger - est sorti en Afrique francophone ce 13 décembre 2019.
On s’en porterait peut-être mieux après avoir vu ce film, où révolté, c’est selon ! Les Misérables, tirant son titre de ce roman mémorable de Victor Hugo, est une fiction d’une durée de
103 min, réalisé en 2019 par Ladj Ly dont c’est le premier long-métrage. Sélectionné au dernier Festival de Cannes en compétition officielle et récompensé par le prix du jury, choisi pour
représenter la France aux Oscars 2020, il en dépoussière bien des secrets à défaut de les avoir révélés en premier.
C’est la France des petites gens ! Cette France crasseuse coincée dans des immeubles repoussants, dans ces quartiers pouilleux, habités notamment par les Noirs et les Arabes. Mais écartelée
paradoxalement entre l’idée de justice sociale et de défiance à la loi. Les Misérables est un regard qui se balade dans les rues, qui scrute les magouilles et petites combines, montre
ces barbus repentis dans leur soutane ou encore ces familles d’émigrés qui s’organisent dans la galère de l’éloignement et de la recherche d’un mieux-être si ce ne sont les égarements
d’adolescents adeptes de ‘’pétards’’ (joints), de petits larcins. Non sans oublier le zèle d’une police qui, malgré tout, vit son ‘’monde’’.
Justement, le fil conducteur du récit reste accroché à cette voiture de police, sorte de caméra fêlée, déambulant partout. Les réalités entendues par ouï-dire, insoupçonnées parfois, nous sont
livrées par tableaux. En effet, de loin, l’illusion d’une France garantissant une éducation égalitaire, une justice non partiale, un niveau de vie humainement supportable, et aussi ces
communautés certes différentes mais s’estimant mutuellement, ces destins individuels naufragés, défilent tous devant les consciences. Le réalisateur semble dessiner deux pôles : l’un bizarrement
symbolisé par les jeunes garçons très proches de la prise de risque à l’image d’Issa, l’un d’eux, qui vit dans l’habitude de la « bêtise » au point d’aller voler le lionceau d’un maitre cirque ;
et de l’autre, un policier autoritaire qui « va » toujours « trop loin », arrogant jusque dans « sa plaque ». Deux univers qui s’affrontent sans merci, et qui parfois, pour le moins surprenant,
semblent collaborer quand il s’agit de sauvegarder des intérêts. A preuve, l’investissement personnel du « Maire Noir » de la bourgade – imbu d’un pouvoir de décision et acolyte, selon les
circonstances, des flics - pour retrouver un lionceau afin d’éviter le déferlement de la violence entre deux groupes. Mais une conscience (affaiblie) mais debout - le brigadier Stéphane qui a
intégré la Brigade anti-gang – sera là pour dresser des garde-fous. Seulement, tous ses efforts ne suffiront pas à contenir la colère de jeunes adolescents capables du pire, capables de
barbouiller le visage de l’institution policière. Mais aussi de créer une organisation criminelle pour venger l’affront subi par Issa, victime d’une bavure des hommes en tenue.
Ce film ressemble à une mémoire à la fois récente et nouvelle : il rappelle les sombres évènements de 2005 dans les banlieues françaises, quand il ne renvoie pas à cette violence des black bloc
dans les manifestations des Gilets Jaunes. Un écartèlement ou un prolongement de l’image dans ce film que d’aucuns ont salué pour avoir dévoilé le vécu mal connu d’une partie de la France pendant
que d’autres le lisent comme une caricature des minorités (émigrés) vivant dans l’Hexagone. Peu importe, le réalisateur a eu le mérite de (re)sortir l’album – ou du moins la carte (postale)
sociale - des coins miséreux du pays des Droits de l’Homme.
Bassirou NIANG
ASCC
SENEGAL